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  • Photo du rédacteurMégane Ghorbani

COVID-19 : analyser la crise au prisme du genre

Dernière mise à jour : 29 mars 2021


Il y a cinq ans, j’écrivais un article sur l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest au prisme du genre. A l’époque, 9 400 décès avaient été enregistrés et 23 000 personnes infectées. A ce jour, la maladie à coronavrius 2019 (COVID-19) a quant à elle engendré la mort de 7 426 personnes, et touché près de 180 000 personnes à travers le monde. Parmi ces cas, 6 % ont été révélés il y a moins de 24 heures. Mais alors que la crise liée à l’épidémie d’Ebola affectait clairement les femmes de façon disproportionné (constituant 75 % des victimes), qu’en est-il du COVID-19 ? Quels sont les enjeux de genre face à cette pandémie ? Voici quelques premiers éléments d’analyse.


Le genre au regard des personnes directement infectées ou à risque


Une enquête a été réalisée en Chine sur le profil type des victimes de COVID-19 enregistrées au 11 février 2020. Les résultats de l’enquête montrent que le nombre de cas de femmes et d’hommes est quasiment égal face à la contamination. Cependant, le taux de létalité est plus élevé pour les hommes (2,8%) que pour les femmes (1,7%). En France, les données communiquées par Santé publique France au 10 mars 2020 indiquent également une absence de différence notable entre hommes et femmes face à la contamination. Cette quasi égalité s’observe aussi quant au nombre de décès (contrairement à la Chine), bien que les hommes infectés soient deux fois plus nombreux à être réanimés.

Il existe plusieurs hypothèses pour expliquer la différence entre hommes et femmes face aux aggravations liées aux COVID-19. En dehors de facteurs qui sont plutôt d’ordre biologique (ex : les hommes sont plus touchés par d’autres maladies chroniques), l’un d’eux est plutôt d’ordre social. Ainsi, l’une des raisons augmentant les risques de décès est liée au fait de fumer. Or, en Chine par exemple, il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes qui fument, le fait de fumer n’étant pas accepté socialement comme un acte « féminin ».


Cette situation reste cependant à relativiser, au regard du nombre disproportionné de femmes représentées dans les fonctions exposées au virus, et donc potentiellement à risque. Les femmes composent 70 % des travailleurs·ses de la santé à travers le monde. En France, elles sont 78 % dans la fonction publique hospitalière et 85% dans les formations paramédicales et sociales. De plus, puisque les femmes sont principalement en charge de prendre soin de leur famille, et notamment des personnes malades, l’accompagnement de ces personnes pourra les exposer davantage que les hommes. La « division sexuelle du travail » est donc certainement un facteur de plus à prendre en compte pour analyser le risque de propagation du COVID-19.


L'impact de la crise, plus important pour les femmes


En France, la crise sanitaire engendrée par le COVID-19 s’est caractérisé en premier lieu par la fermeture des écoles. Face à cette situation, il est fort probable que le poids de la charge des enfants – soutenu habituellement en partie par les services publics – se fasse ressentir de façon plus lourde pour les femmes. En effet, ce sont elles qui prennent majoritairement en charge le travail de soins non rémunéré, dont la garde d’enfants ou le soin des personnes âgées. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), les femmes effectuent plus des trois-quarts du travail de soins non rémunéré, soit trois fois plus que les hommes. Cette situation globale est quasiment la même en France, où les femmes assurent 72 % du travail domestique. Parmi ces tâches domestiques, figurent également celle de préparer à manger et d’aller faire les courses. A ce titre, on peut imaginer que les queues à rallonge actuellement observées devant les supermarchés et le manque de disponibilités de certains produits leur compliquent d'autant plus la tâche.


Aussi, les mesures de confinement prises dans le cadre de la crise actuelle représentent un danger supplémentaire pour les victimes de violences conjugales, un nombre estimé à 219 000 femmes en France sur un an. En Chine et en Italie, la hausse des violences conjugales suite à la crise est une réalité. Dès lors, l’inquiétude augmente du côté des acteurs gouvernementaux, des collectivités territoriales ou encore des associations. Et même si certaines mesures semblent prises face au risque, il est difficilement imaginable de le contrer dans un contexte de réduction des services publics habituellement alloués et d’isolement plus important des personnes.


Ainsi, la communication de certains facteurs liés au genre s’est multipliée ces derniers jours. Pour autant, les politiques et les efforts de santé publique dédiés à la gestion de la crise actuelle n’intègrent pas encore le genre de façon transversale. C’est d’ailleurs ce que confirme un article publié dans la revue médicale britannique The Lancet à ce propos. Ce prisme d’analyse est pourtant nécessaire à qui souhaite mieux comprendre et répondre au contexte actuel.




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