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Le Safeguarding, un engagement organisationnel pour une approche sûre dans l’humanitaire et le développement

  • Photo du rédacteur: Zeina El Khoury
    Zeina El Khoury
  • 16 avr.
  • 5 min de lecture

Dans le secteur humanitaire et du développement, où la redevabilité est un pilier fondamental, garantir un environnement sûr et éthique n’est pas une option, mais une nécessité. Le terme Safeguarding (traduit en général par “sauvegarde” ou “protection”), largement utilisé dans le monde anglophone, reste encore peu diffusé dans le milieu francophone. Le Safeguarding est un pilier essentiel de l’action humanitaire et du développement et va bien au-delà de la simple conformité légale. C’est un engagement éthique et organisationnel fort pour prévenir et répondre à toute forme d’exploitation, d’abus ou de harcèlement, en particulier à caractère sexuel, envers les personnes les plus vulnérables, bénéficiaires au sein des programmes, ou faisant partie de l’équipe de travail. 


Safeguarding : de quoi parle-t-on exactement ?


Dans son parcours de la sauvegarde, le Centre de ressources et de support sur la sauvegarde (RSH) fait référence à l’adoption de l’ensemble des mesures, des politiques et des pratiques, mises en place par les organisations humanitaires et de développement, pour prévenir et répondre à toute forme d’exploitation, d’abus ou de harcèlement dans le cadre de leurs activités, à l’encontre des personnes vulnérables, en particulier les enfants et les adultes à risque. Ainsi, tel que souligné par le Manuel de référence rapide sur la mise en œuvre de la protection contre l’exploitation, les abus et le harcèlement sexuels (PEAHS) dans le cadre de la Norme humanitaire fondamentale de qualité et de redevabilité, il incombe aux organisations de veiller à ce que leur personnel, leurs opérations et leurs programmes ne nuisent pas aux personnes vulnérables et qu’ils ne les exposent pas à des risques d’abus, de préjudice ou d’exploitation. Un volet central du Safeguarding concerne les risques de violence sexuelle, avec en élément clé la protection contre l'exploitation, l'abus et le harcèlement sexuels, tels que définis dans le glossaire de 2017 des Nations-Unies. Il est intéressant de noter que les six principes fondamentaux du Comité permanent inter organisations (IASC) sur l’exploitation et les abus sexuels vont souvent au-delà du cadre légal propre à chaque pays, avec des procédures internes robustes, des enquêtes administratives, et une culture de prévention des violences sexuelles qui mériterait d’inspirer d’autres secteurs, publics ou privés.

Visuel avec texte écrit 1 femme sur 3 subit au cours de sa vie des violences physiques ou sexuelles - Logo Esfand - Source : ONU Femmes / 2025

Le poids du silence : pourquoi les abus sont sous-déclarés


Des outils comme le plan de signalement harmonisé SEAH  permettent à des ONG internationales et nationales à travers le monde de centraliser et analyser les incidents signalés pour renforcer la redevabilité et la transparence, et mieux prévenir et répondre aux schémas de violence sexuelles au sein de leurs programmes. Ainsi, un rapport détaillé et une infographie analysant les signalements reçus du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023, selon les données de 24 organisations, montre que la grande majorité des victimes sont des femmes (84 %). Parmi elles, près d’une sur cinq est une fille de moins de 18 ans, tandis que les hommes représentent 4 % des cas, dont un tiers de mineurs. Le sexe ou l’âge des victimes n’a pas pu être identifié ou communiqué dans environ 12 % des cas. Un·e auteur·e présumé·e sur quatre occupe une fonction de direction, 91% sont des hommes et 9% des femmes. Pourtant, malgré ces dispositifs, 32% des cas signalés ne donnent lieu à aucune action corrective. En parallèle, une étude publiée sur le  SDG knowledge hub, conduite par Deloitte en 2019 auprès du personnel des Nations Unies indiquait qu’un tiers des personnes interrogées avaient été victimes de harcèlement sexuel au sein de l’environnement de travail entre 2017 et 2019. Deux auteur·e·s de harcèlement sur trois étaient des hommes. Les personnes s'identifiant comme femmes, transgenres, non conformes au genre ou autres ont signalé les taux de prévalence les plus élevés par rapport aux autres catégories d'identité de genre. Et pourtant, peu de cas font l’objet d’enquêtes abouties. Les initiatives de redevabilité s'inscrivent également dans une approche plus large, renforcée à travers le régime de divulgation des inconduites entre agences, qui vise à empêcher les auteur·e·s de comportements sexuels répréhensibles de passer d’une organisation à une autre sans être détectés, et facilite le partage d’informations entre employeurs sur les cas avérés d’inconduite.

Le rapport de 2017 du Secrétaire général des Nations Unies sur les mesures spéciales concernant l’exploitation et les abus sexuels reconnaît d’ailleurs que tous les cas d’inconduite ne sont pas signalés. Le secteur humanitaire souffre ainsi d’une sous-déclaration chronique des violences, en raison de multiples facteurs complexes :

  • Les déséquilibres de pouvoir entre les victimes et les auteur·e·s, incluant entre autres les inégalités de genre, les contextes locaux, les vulnérabilités existantes, les besoins en services essentiels, les types d’aide fournis et les rôles dans les processus décisionnels,

  • L’absence, inaccessibilité ou inefficacité des mécanismes de plainte.

  • La crainte de la perte d’emploi ou de nuisance aux personnes ou à la mission.

  • La crainte de la perte d’accès aux services. 

  • La crainte de la stigmatisation et des représailles.


Visuel avec texte écrit : Depuis 2022, les cas de violence sexuelle liée à un conflit ont augmenté de 50% - Logo Esfand - Source : ONU Femmes / 2025

Prévenir, détecter, agir : les piliers d’une culture organisationnelle saine de safeguarding


L’index PEAHS de 2020 donne des repères clairs : des programmes construits sur l’évaluation des risques, des directives claires pour le personnel, des mécanismes de traitement des plaintes axés sur les survivant·e·s, et un véritable engagement à agir. Ainsi, une approche de Safeguarding efficace repose sur plusieurs fondamentaux :

  • Une politique de Safeguarding traduisant un engagement clair à une tolérance zéro contre les violences.

  • Des systèmes et des procédures clairs d’applicabilité de la politique.

  • L’analyse régulière des risques de violence liés à l’environnement de travail et aux activités, et la mise en place de mesures de mitigation. 

  • La formation continue du personnel, des bénévoles, mais aussi des partenaires et des communautés.

  • Des mécanismes de signalement accessibles, sûrs et anonymes pour toutes les parties prenantes, adaptés au contexte culturel.

  • Une approche centrée sur les survivant·e·s, assurant leur accompagnement et leur sécurité.

  • Un suivi transparent des plaintes, et des sanctions claires appliquées en cas d’inconduite. 

  • Des audits réguliers en interne pour évaluer l’efficacité des mécanismes de Safeguarding.


Toutefois, mettre en place des politiques n’est pas suffisant. Il faut repenser en profondeur la culture des organisations, en instaurant un climat de confiance pour encourager les bonnes pratiques et les signalements, en formant les dirigeant·e·s à prévenir, reconnaître et déconstruire les rapports de pouvoir et en protégeant les lanceurs·ses d’alerte contre toute forme de représailles.


En conclusion, le Safeguarding n’est pas un simple processus administratif. C’est une valeur organisationnelle profonde et un engagement collectif. Il gagne à être intégré à tous les niveaux (gouvernance, opérations, ressources humaines, partenariats) pour garantir des environnements sûrs et éthiques. Le Safeguarding ne protège pas seulement les individus. Il protège aussi l'intégrité et la crédibilité de l'action humanitaire et de développement elle-même.




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