L’ONU Femmes et les Nations Unies ont placé la prochaine journée internationale des droits des femmes sous le thème du digital inclusif. Notre cabinet accompagne plusieurs structures engagées sur ce sujet. Voici un aperçu des principaux enjeux de genre et de développement digital inclusif, et plus particulièrement dans le secteur de la Civic Tech en Afrique.
Des inégalités de genre sectorielles à l’encontre du digital inclusif
Fracture numérique
Les inégalités entre les femmes et les hommes, et notamment la fracture numérique, constituent un des enjeux majeurs du secteur digital. En effet, la tendance mondiale montre un écart dans l’usage d’internet en défaveur des femmes qui s'accroît de plus en plus au fil du temps, variable selon les régions. En 2020, ces disparités femmes-hommes étaient plus de deux fois plus importantes en Afrique qu’au niveau mondial, avec 24% des femmes qui avaient accès à Internet contre 35% des hommes. De plus, l’écart de genre est encore plus conséquent en matière d’accès à Internet via un smartphone. En 2021, il atteignait 37% en Afrique Subsaharienne.
Écart de représentation
Une étude publiée par CFI en 2018 sur les Civic Tech en Afrique met en évidence une répartition fortement inégale entre les hommes et les femmes qui agissent dans le secteur de la Civic Tech en Tunisie, au Sénégal et au Bénin. En Tunisie, les acteurs·rices de la Civic Tech comptent 23,1 % de femmes et 76,9 % d’hommes. Au Sénégal, les femmes constituent 18,2 % du secteur et les hommes 81,8 %. Au Bénin, ces déséquilibres sont encore plus importants puisque les femmes ne représentent que 16 % des acteurs·rices de la Civic Tech et les hommes 84 %. L’étude montre aussi un engagement plus important des femmes que des hommes dans la Civic Tech sur des projets en lien avec les questions de santé ou d’environnement, soulignant des différences de sujets traités.
Ressources économiques, politiques et médiatiques limitées
L’Afrique est aujourd’hui le continent le plus avancé en matière d’entrepreneuriat des femmes, et ces dernières sont majoritaires (58%) parmi les entrepreneur·e·s. Mais les cheffes d’entreprises africaines, individuelles ou sociétaires, génèrent moins de profits que les hommes, et appartiennent plus largement au secteur informel. De plus, les réseaux dans lesquels s’insèrent les femmes disposent de moins de ressources et incluent des liens de famille et de parenté plus « étroits », moins utiles que des relations diversifiées et nouvelles pour créer des opportunités.
Dans les domaines politiques et médiatiques – également liés aux Civic Tech – les femmes africaines restent minoritaires. En Afrique subsaharienne, environ un siège parlementaire sur quatre est occupé par une femme - une représentation encore plus faible en Afrique du Nord. En Afrique francophone, un sondage constate moins de 30 % de femmes parmi les journalistes et les animateurs·rices vedettes des médias. De plus, plusieurs États africains disposent encore de lois et de pratiques restreignant les libertés d’association et de rassemblement permettant de jouir de droits civils et politiques.
Un système de genre plus global qui freine un secteur digital inclusif
Répartition sexuée des tâches (domestiques)
La répartition traditionnelle des rôles relègue encore souvent les femmes à l’entretien du foyer et au repli sur la sphère conjugale, familiale et privée. Ainsi, et partout dans le monde, les femmes sont encore majoritairement en charge de prendre soin de leurs proches, et les tâches familiales et ménagères leur incombent disproportionnellement. En Afrique, les femmes passent trois fois plus de temps par jour à réaliser un travail de soins non rémunéré que les hommes, occupant plus de 4 heures quotidiennes contre un peu plus d’une heure pour les hommes. Ces écarts sont à peu près les mêmes à l’échelle mondiale, et encore plus importants dans les Etats arabes.
Sexisme, violence et discrimination
Comme le montre la répartition traditionnelle des rôles entre les hommes et les femmes, des différences de représentations s’opèrent et sont véhiculées entre ces deux catégories. Ainsi, en modelant la vision que les femmes ont d’elles-mêmes et de leurs capacités, ces normes influencent leurs aspirations et peuvent entraîner un traitement discriminatoire de la part d’autres personnes. Beaucoup d’environnements restent encore réticents à l’image des femmes porteuses de projet, actives en dehors de la sphère privée, ce qui limite les possibilités qui leurs sont offertes et leurs choix. A l’inverse, lorsqu’elles arrivent à dépasser les fonctions qui leur sont traditionnellement assignées, les femmes s’exposent un contexte systémique de violence à leur encontre, emprunt de contrecoups. Ainsi, 73% des femmes journalistes dans le monde déclarent avoir déjà subi des violences sexistes en ligne dans le cadre de leur travail.
Les représentations différenciées précédemment mentionnées engendrent dès le plus jeune âge, un traitement inégal des filles par rapport aux garçons. Ainsi s’expliquent aussi les écarts en matière d’éducation, de compétences techniques et d’accès aux ressources financières au détriment des femmes.
De plus, il existe encore d’importantes normes juridiques discriminant les femmes dans de nombreux pays en Afrique, que ce soit à travers des lois nationales (qui peuvent restreindre la capacité des femmes à posséder et exploiter une entreprise par exemple), ou le droit coutumier. Aussi et malgré des réformes menées sur le plan de l’égalité des droits (signature de contrats, ouverture de compte bancaire...), les lois officielles interdisant la discrimination entre les sexes restent peu nombreuses, puisque seulement trois pays africains en ont promulguées : l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et le Rwanda.
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