Au salon Produrable la semaine dernière, j’assistais à un atelier sur la communication au service du développement durable. Un nouveau bilan de l’ADEME et de l’ARPP y était présenté, révélant que plus d’une publicité sur dix en lien avec l’environnement était non conforme. Ainsi, malgré une attente croissante des consommateurs·rices en matière de développement durable, certaines marques ne vont pas au bout de leur démarche de communication responsable. Elles se contentent d’un engagement en surface, pouvant non seulement enfreindre les règles établies, mais aussi entrer en contradiction avec leurs pratiques réelles et tâcher leur réputation.
Un contexte favorable
Depuis plusieurs années, la communication responsable a la cote. Désignée également par “communication for good”, “communication durable”, “communication RSE”, elle concerne divers métiers (publicité, marketing, relations publiques…). Plusieurs normes, avis et chartes d’engagements y font référence pour permettre aux professionnels de la mettre en pratique.
Ce développement résulte d’une tendance croissante de consommateurs·rices qui se soucient de plus en plus de leur impact environnemental, économique et social, et qui adaptent leurs comportements d’achats en fonction de l’engagement des marques. En 2019, plus de 8 français·es sur 10 percevaient positivement la communication responsable et estimaient qu’elle relève du rôle des entreprises. Pour autant, 9 personnes sur 10 ne savaient pas comment reconnaître une marque responsable et 85% d’entre elles attendaient davantage de communication sur les pratiques et les engagements des entreprises.
En 2020, environ 6 français·es sur 10 estiment ainsi que les marques ne s’engagent pas suffisamment au niveau économique, social et environnemental. La crise de COVID-19 n’a fait que renforcer l’attention des consommateurs·rices en matière de développement durable et inclusif. En effet, les jeunes de moins de 35 ans (les « millenials ») portent encore plus d’attention sur cet enjeu qu’auparavant et la grande majorité des français·es souhaite ainsi une société plus durable. Pour les annonceurs, la meilleure stratégie de communication en période de crise est alors celle d’une communication responsable, axée sur l’engagement, la RSE et la solidarité.
L’exemple de Nike
Le contexte de crise COVID-19 a mis en avant de nouvelles stratégies de communication des marques, encourageant le confinement pour certaines (comme Burger King) et promouvant des messages de solidarité pour d’autres (comme Coca Cola). Fin mars 2020, Nike encourageait par exemple à « jouer à l’intérieur » et offrait gratuitement la version premium de son application d’entraînement. Figurant dans le top 15 des marques engagées, la marque à virgule s’est également distinguée ces derniers mois par sa communication en faveur de l’antiracisme dans un contexte social de plus en plus tendu aux États-Unis. Son spot « For once, Don’t Do It », qui détourne son slogan original suite à la mort de l’afro-américain George Floyd, lui a même valu d’être repartagé par son concurrent Adidas. Sur le plan de l’engagement social, la marque a également lancé pour la rentrée sa première gamme de vêtements adaptée aux femmes pendant et après leur grossesse. Se réclamant d’un design inclusif, la gamme a largement été relayée via des médias dits féminins. Nike n’en est d’ailleurs pas à sa première campagne de communication en faveur de l'égalité femmes-hommes. Il y a moins d’un an, elle mettait en vedette la voix de Serena Williams dans un spot qui rend hommage aux femmes sportives et qui dénonce les injonctions et les comportements sexistes qu’elles subissent.
Si ces actions de communication en faveur d’engagements sociaux sont aujourd’hui au-devant de la scène, la marque est parallèlement accusée de se fournir auprès d’entreprises pratiquant le travail forcé des ouïghours. Cette image d’une marque associée au travail forcé rappelle des affaires passées venues ternir la réputation de l’entreprise. Interpellée par l’opinion publique à ce sujet, la marque semble ne pas reconnaître le problème et fait l’objet d’un appel au boycott, en plus d’autres marques également accusées dans ce nouveau scandale. Ces actions citoyennes montrent bien qu’en plus d’avoir des attentes vis-à-vis des engagements marques, les consommateurs·rices sont plus que jamais désormais des acteurs·rices du développement durable. Ce type d’incohérence entre une communication dite responsable et des pratiques néfastes risque à l’inverse de créer encore plus de défiance de la part des client·e·s de la marque et du grand public en général.
Vers un encadrement des activités de communication responsable ?
Dans ce contexte, une volonté politique pour réglementer certaines de ces pratiques émerge. En juin 2020, une coalition d’associations publiait un rapport sur les enjeux d’influence des grandes entreprises – qui reprenait certaines de mes analyses sur le secteur alimentaire – et demandait à encadrer les activités de communication. En ce sens, un autre rapport sur la publicité et la transition écologique commandité par le gouvernement a été rendu public à peu près au même moment. Pour la rentrée, une proposition de loi visant une régulation de la publicité, notamment pour les voitures les plus polluantes, a été déposée à l’Assemblée nationale.
Les éventuelles évolutions législatives à venir restent donc à suivre...
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