La discrimination intersectionnelle au travail est sanctionnée
- Mégane Ghorbani

- 12 nov.
- 3 min de lecture
La discrimination au travail est un sujet malheureusement bien connu, souvent abordé sous l'angle d'un critère unique comme l'origine, le sexe, la religion ou encore le handicap. Cependant, une forme plus complexe et insidieuse de préjudice, la discrimination intersectionnelle, vient d'être mise en lumière par une décision de justice majeure de la Cour d'appel de Paris. La condamnation récente de la Société Générale impose ainsi aux organisations une analyse plus fine de leurs pratiques, les forçant à regarder au-delà des catégories habituelles pour comprendre comment les discriminations peuvent se cumuler et s'aggraver.
Plus que de simples additions : la discrimination au travail peut être intersectionnelle
La discrimination intersectionnelle désigne une situation où plusieurs critères de discrimination ne s'additionnent pas seulement, mais se combinent pour créer une forme de préjudice unique et aggravée. Il ne s'agit pas de subir une discrimination en tant que femme "plus" une discrimination liée à son origine, mais de subir un traitement discriminatoire spécifique né de l'intersection de ces deux identités (réelles ou perçues).
L'intersectionnalité permet de comprendre que les discriminations ne s'additionnent pas simplement, mais se combinent, créant une forme unique et aggravée de préjudice. Dans le monde du travail, c'est reconnaître que le fait d'être à la fois femme ET d'une certaine origine peut exposer à des traitements différents et discriminatoires que ceux subis par les hommes de la même origine ou les femmes d'une autre origine.
Dans ce cas précis, l'employée, femme noire d'origine africaine, a vu sa carrière pénalisée (absence de promotion au statut de cadre, faibles augmentations) en raison de la combinaison de ces deux critères. Cette discrimination intersectionnelle lui a alors causé un préjudice aggravé.

Un signal fort : la justice reconnaît et sanctionne lourdement la discrimination intersectionnelle
En condamnant la Société Générale le 10 septembre dernier, la Cour d'appel de Paris a officiellement fait basculer ce concept du champ théorique à celui de la faute juridique sanctionnable. L'entreprise a été condamnée à verser plus de 139 000 € à son ancienne salariée, auxquels s'ajoute l'obligation de rectifier les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle emploi, etc.) pour réécrire officiellement l'historique professionnel de la salariée.
Cette sanction vient réparer un préjudice de carrière caractérisé par un blocage de l'évolution professionnelle — notamment l'absence de promotion au statut cadre et de faibles augmentations — jugé discriminatoire.
Cette décision capitale de la Cour d'appel envoie un signal fort à toutes les entreprises, soulignant l'obligation de transparence et d'équité dans les parcours professionnels, l'évaluation et la gestion des carrières. Elle rappelle que la diversité et l'inclusion ne sont pas optionnelles mais qu'elles répondent à une obligation légale de non-discrimination et un impératif éthique pour un environnement de travail sain et performant.
Au-delà du cas : prévenir et sanctionner la discrimination intersectionnelle au travail
Cette condamnation envoie un signal fort qui dépasse le seul cas de la Société Générale. Elle doit inciter toutes les organisations à réévaluer leurs pratiques pour garantir une véritable équité. Voici trois leçons essentielles à en tirer :
Auditer les processus RH en profondeur pour vérifier que les systèmes d'évaluation, de promotion et de rémunération ne contiennent pas de biais multiples et croisés.
Former les équipes et les managers sur les biais inconscients, mais aussi spécifiquement sur la complexité des discriminations et la notion d'intersectionnalité.
Renforcer la transparence dans la gestion des carrières pour garantir l'équité des parcours professionnels et assurer une traçabilité claire des décisions prises.
La reconnaissance de la discrimination intersectionnelle par la justice n'est plus une simple discussion théorique ; c'est devenu une obligation légale dont l'ignorance constitue un risque juridique et opérationnel direct. Des actions devrons donc forcément être mises en place.






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