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Droits des femmes : comment contrer ce backlash qui menace les acquis ?

Photo du rédacteur: Zeina El KhouryZeina El Khoury

L’histoire des droits des femmes est marquée par des avancées, des luttes constantes, mais aussi par des résistances et des périodes de régression. Les progrès féministes rencontrent souvent des oppositions qui cherchent à les limiter ou à les remettre en question. Aujourd’hui, cette tension semble s’intensifier à l’échelle mondiale, soulevant des interrogations sur l’évolution de ces acquis. 


Un pays sur quatre a observé des reculs sur les droits des femmes en 2024


Le concept de backlash – traduit par retour de bâton ou contrecoup en français - n’est pas nouveau. Popularisé par Susan Faludi dans Backlash : la guerre froide contre les femmes (1991), il désigne un schéma récurrent : à chaque avancée des droits des femmes, une contre-offensive s’organise.


1 pays sur 4 fait état d'un recul sur les droits des femmes en 2024

Le rapport de l’ONG Equipop et de la Fondation Jean Jaurès Droits des femmes : combattre le "backlash" rappelle que le mouvement #MeToo, émergeant en 2017, a contribué à libérer la parole des femmes au niveau international et à un début de prise de conscience collective par rapport aux problématiques liées aux violences sexistes et sexuelles, et plus généralement aux questions d’égalité femmes-hommes. Il aurait ainsi pu transformer en profondeur les représentations genrées et les systèmes juridiques. Pourtant, et comme le souligne un récent rapport des Nations Unies, intitulé Le point sur les droits des femmes 30 ans après Beijing, nous assistons à une résurgence des discours conservateurs, amplifiée par des crises politiques et économiques. Près d’un quart des gouvernements dans le monde ont signalé un recul des droits des femmes en 2024.


Les droits des femmes et l'égalité de genre sont contestés à plusieurs niveaux


25% des gens dans le monde trouvent "normal" qu'un homme batte sa femme.

Les mesures visant à restreindre les droits des femmes se multiplient sous diverses formes, portées par des acteurs étatiques et non étatiques, issus des milieux politiques, économiques et religieux. D’après un document de 2024 du groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, plusieurs tendances alarmantes se dessinent :

  • Le droit à l’avortement est attaqué. L’annulation de l’arrêt Roe vs Wade en 2022 aux États-Unis a déclenché une vague de restrictions, suivie de législations similaires dans l’Union Européenne et au niveau mondial.

  • L’éducation à l’égalité des genres et à la sexualité est contestée dans plusieurs pays, accusée de diffuser une prétendue "idéologie du genre".

  • Des attaques visant les instruments traitant de la violence fondée sur le genre s’amplifient, avec une opposition grandissante face à la Convention d’Istanbul pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

  • Une augmentation des violences envers les militantes est constatée. Journalistes, défenseuses des droits et femmes engagées subissent de plus en plus d’attaques et d’agressions.


Un discours conservateur bien structuré et le mouvement anti droits des femmes


Les mouvements réactionnaires ne manquent pas de justifications pour freiner l’égalité. Selon le rapport Droits des femmes : combattre le "backlash", trois narratifs dominent : 

  • L’idée d’un "ordre naturel" du monde, est mise en avant pour délégitimer les revendications féministes et LGBTQIA+. Les mouvements anti droits développent ainsi une rhétorique centrée sur les valeurs de la « famille », définie selon une perspective patriarcale, hétéronormée et cisgenrée. Ils alimentent également des formes de paniques morales.

  • L’"impérialisme culturel" : Les droits des femmes sont parfois présentés comme une ingérence occidentale, occultant les luttes locales pour ces mêmes droits.

  • La "défense de la vie" : L’avortement est diabolisé et assimilé à un "génocide prénatal" pour en justifier l’interdiction.


Le mouvement anti droits s’appuie sur des réseaux transnationaux bien organisés et largement financés. Selon le rapport 2021 du forum parlementaire européen sur les financements des mouvements anti droits, ce mouvement entretient des liens étroits avec l’extrémisme religieux, les organisations anti-genre et les partis d’extrême droite. 


Un backlash médiatique et numérique intense contre les femmes


En France, 1 jeune homme sur 4 pense qu'il faut parfois être violent pour se faire respecter

Ces discours se diffusent massivement via des médias influents et les réseaux sociaux, où des figures masculinistes gagnent en visibilité. En France, selon le baromètre du sexisme 2025 du Haut Conseil à l’Égalité, un tiers des Français.e.s perçoit désormais le féminisme comme une menace. Chez les jeunes hommes, le rapport annuel 2024 du HCE alertait en janvier 2024 sur la prégnance du sexisme et l’ancrage des stéréotypes genrés chez les jeunes hommes, mais aussi sur les conséquences de l’influence des discours masculinistes sur les réseaux sociaux. 22% et 25% des jeunes de 18-24 et 25-24 ans considèrent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter en tant qu’homme dans la société. Sur internet, les attaques se multiplient, campagnes de harcèlement, raids masculinistes, désinformation. 


En France, le féminisme est perçu comme une menace pour 1 personne sur 3

Si une étude de l’INA souligne que le traitement des violences sexistes et sexuelles a augmenté dans les médias (+17% sur les chaînes d’info entre 2019 et 2024) , cette visibilité a pu selon le rapport annuel 2024 du HCE sur l’état des lieux du sexisme en France engendrer une banalisation des violences de genre, voire un contre-discours journalistique et des campagnes de désinformation, inversant les responsabilités, blâmant parfois les victimes elles-mêmes. 


73% des femmes journalistes déclarent avoir déjà subi des violences sexistes en ligne.

Ainsi, le taux de prévalence des violences basées sur le genre en ligne parmi les femmes varient selon les régions de 16 à 58%. Selon Le point sur les droits des femmes 30 ans après Beijing, celles qui s’expriment en tant que défenseures des droits sont particulièrement ciblées, notamment les femmes politiques, journalistes et militantes. Ainsi, 73% des femmes journalistes étaient touchées par ces violences en ligne en 2020 selon l’UNESCO. 



Quelles actions face à ce recul des droits ?


Face à cette vague conservatrice, plusieurs leviers d’action sont essentiels :

  • Soutenir les organisations féministes qui luttent activement pour préserver et renforcer les droits des femmes.

  • Défendre l’éducation à l’égalité des genres et à la sexualité pour sensibiliser dès le plus jeune âge.

  • Dénoncer la désinformation et les attaques en ligne, en valorisant les médias et initiatives engagés pour une information éclairée.

  • Agir politiquement, en soutenant des politiques favorisant l’égalité et en s’impliquant dans les débats citoyens.

  • S’appuyer sur l’expertise des spécialistes en genre, pour intégrer des analyses et des recommandations stratégiques issues d’acteurs engagés dans les politiques publiques. 


L’histoire nous enseigne qu’aucun droit n’est définitivement acquis.

Comme l’écrivait Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe : "N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant." 

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